Mais Saint-Roman est un village facétieux. Après avoir déroulé son noyau médiéval coiffé par son « château », son faubourg ancien régime où s’insère la minuscule chapelle, son quartier républicain ponctué par une mairie-école, un café et une gare d’opérette, il nous prive d’une extension XXème siècle. On la cherche sans la trouver. C’est que le dernier siècle, après 1914, s’est entièrement voué à l’exode et à la dépopulation. Sans doute est-ce à cela que l’on doit la lisibilité du paysage villageois, resté à peu près intact au contraire des villes réceptrices de l’exode, qui ont perdu leurs formes en quelques décennies d’explosion urbaine.
Une facétie en cache une autre. Car si l’on cherche bien non pas dans les espaces mais dans les contenus, on peut s’apercevoir que le vingtième siècle a bel et bien trouvé sa place à Saint-Roman après 1950. Tandis que l’exode se poursuivait, des amoureux des vieilles pierres sont arrivés, et c’est évidemment la butte médiévale qui s’est offerte à eux. Les familles villageoises s’étant réduites, une partie des vieux logis ont été abandonnés au profit des maisons d’en bas. Ils furent un à un sauvés de la ruine par les gens de la ville. Et c’est ainsi que la boucle s’est bouclée : le XXème siècle a fait retour au site initial.
Jamais deux sans trois. Saint-Roman recèle une troisième facétie, que les dernières années du siècle ont consacrée. Pour conjurer le déclin et pour coller au siècle, un lotissement a été lancé sur le coteau dit « des Rosées », cent mètres au-delà de la route. Dans un premier temps, ce nouvel espace acheva de vider le vieux village de ses vieilles familles. A quelques exceptions près, le village historique appartient maintenant à des nouveaux-venus, tandis que les Saint-Romanais « de souche » campent désormais sur ses marges.
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Texte par Philippe Haeringer.